Les deux drapeaux français-algérien.Crédit photo Pixabay.com

Immigration: l’accord franco-algérien de 1968 est « vidé de son contenu » et « son abrogation ne résoudra absolument rien », selon Zoheir Rouis de Jil Jadid

La question de l’accord franco-algérien de 1968 agite la scène politique française. Elle a été mise au cœur du débat du  comité interministériel pour le  contrôle de l’immigration à Matignon aujourd’hui mercredi 26 février. Le premier ministre, François Bayrou a réuni neuf de ses ministres  autour de la table. Le Chef du gouvernement a conclu ce comité (Cici) en affirmant que la France  » va demander au gouvernement algérien que soit réexaminée la totalité des accords ».

Zoheir Rouis, vice-président de Jil Jadid, dénonce une « agitation politicienne » qui sert à masquer l’incapacité des politiques à répondre aux problèmes de la société française. Selon lui, cet accord, « vidé de son contenu », est instrumentalisé pour « tenter d’exister dans un espace politique dévasté et dévitalisé ».

Par Nawel Thabet / Medianawplus 

L’accord franco-algérien de 1968, censé favoriser l’entrée de main-d’œuvre algérienne pour la reconstruction de la France, est aujourd’hui au centre d’une agitation politique instrumentalisée par certains acteurs en quête de visibilité. Décryptage des enjeux et réalités de cet accord avec Zoheir Rouis, vice-président de Jil Jadid.

Un accord progressivement vidé de sa substance

Zoheir Rouis rappelle que l’accord de 1968, initialement conçu pour favoriser l’immigration de travailleurs algériens pour la reconstruction de la France, a été progressivement érodé par les gouvernements successifs. « Au fur et à mesure que les idées de l’extrême droite progressaient, cet accord est devenu un enjeu politique pour la droite dans les débats sur l’immigration en France. ».

Il souligne que trois avenants (1985, 1994, 2001) ont aligné ses dispositions sur le droit commun des étrangers, rendant le statut des Algériens moins favorable que celui des autres ressortissants hors-Union européenne. »En réalité, cela fait plus de 30 ans que les Algériens disposent en France d’un statut plus défavorable par rapport aux autres étrangers hors-Union européenne », précise Zoheir Rouis.

Des spécificités résiduelles sans impact majeur

Malgré ces modifications, quelques spécificités persistent, comme la liberté d’établissement pour les commerçants et l’accès plus rapide à un titre de séjour de 10 ans pour les conjoints et parents d’enfants français.

Les ressortissants algériens peuvent solliciter un certificat de résidence de 10 ans après 3 ans de séjour, contre 5 ans dans le cadre du droit commun, sous condition de ressources suffisantes.

En revanche, il explique que  les titres de séjour créés par les lois de 2003, 2006, 2018 ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, notamment les titres de séjour en matière d’immigration professionnelle tels que la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » ou encore la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « étudiant programme de mobilité », qui n’ont pas d’équivalent dans l’accord franco-Algérien.
En outre, s’il souhaite exercer une activité salariée en France, l’algérien titulaire d’un certificat de résidence mention « étudiant » doit solliciter une autorisation provisoire de travail et ne peut travailler au maximum 50 % de la durée annuelle de travail pratiquée dans la branche ou la profession concernée (contre 60 % de la durée annuelle légale du travail pour les autres nationalités).

Cependant, le vice-président de Jil Jadid estime que ces dispositions « ne favorisent pas une émigration algérienne qui déferlerait sur la France et mériterait toute cette agitation politicienne ! » Il ajoute : « Contrairement à ce que l’on veut faire croire, l’abrogation de l’accord de 1968 ne résoudra absolument rien aux flux migratoires en France. »

Il faut rappeler que l’Obligation de Quitter le Territoire Français  est hors accord et est donc applicable de la même manière aux algériens comme aux autres étrangers.

« Une entreprise haineuse »

Pour Zoheir Rouis, l’agitation autour de l’accord de 1968 est une « traduction non assumée de ce désarroi politique » et une « entreprise haineuse » visant les étrangers et les Français d’origine étrangère, non seulement les ressortissants étrangers légalement présents sur le sol français, mais aussi les français d’origine étrangère, en particulier « les français d’origine arabe et de confession musulmane, avec une « préférence » toute particulière pour les franco algériens et les ressortissants Algériens ».

Il dénonce ceux qui « agitent un épouvantail vidé de son contenu pour espérer survivre à la vague du Rassemblement National » et qui « participent à instiller dans la société française un profond sentiment de rejet de l’autre ».

Pour une renégociation pragmatique

Face à cette situation, le vice-président de Jil Jadid plaide pour une renégociation de l’accord qui permettrait de l’adapter à l’évolution des migrations algériennes. Il propose de « sauvegarder les dispositions relatives à la régularisation à travers la règle des dix ans de présence sur le territoire français, tout en intégrant de nouvelles dispositions, dont celles du droit commun relatives à la régularisation par le travail ». Il appelle à un dialogue bilatéral « loin des surenchères, de la stigmatisation et des postures populistes porteuses de haine. »
Alors que le gouvernement français annonce vouloir « réexaminer la totalité des accords » avec l’Algérie, le débat sur l’immigration semble loin d’être clos. La position de Jil Jadid  invite à une approche plus nuancée et pragmatique de cette question complexe.

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