Salman Rushdie dans un état grave après son agression

L’écrivain d’origine indienne Salman Rushdie, cible de menaces de mort depuis la publication des « Versets sataniques » en 1988, a été placé sous assistance respiratoire après avoir été poignardé au cou vendredi alors qu’il s’apprêtait à participer à une conférence dans l’État de New York, aux États-Unis.

Salman Rushdie, l’auteur des « Versets sataniques » menacé de mort depuis plus de 30 ans, restait hospitalisé dans un état grave, samedi 13 août, après avoir été poignardé aux États-Unis par un jeune homme d’origine libanaise, une attaque ayant soulevé une vague d’indignation internationale. L’agresseur présumé est accusé de tentative de meurtre.

Rien ne filtrait samedi matin sur l’évolution de l’état de santé du célèbre écrivain britannique naturalisé américain, 75 ans, soigné en urgence et sous assistance respiratoire dans un hôpital d’Érié (Pennsylvanie) au bord du lac du même nom qui sépare les États-Unis du Canada.

L’attaque a provoqué une onde de choc à travers le monde, la Maison Blanche condamnant « un acte de violence consternant ».

« Rien ne justifie une fatwa, une condamnation à mort », s’est indigné quant à lui Charlie Hebdo, journal satirique français décimé par un attentat islamiste en 2015.

« Il va falloir répéter encore et encore que rien ne justifie une fatwa. De quel droit des individus, dont on se fout totalement de savoir qu’ils sont des religieux, s’arrogent le droit de dire que quelqu’un doit mourir ? » #SalmanRushdie https://t.co/XCoQJTVIQN
— Charlie Hebdo (@Charlie_Hebdo_) August 12, 2022

Favorable à l’extrémisme chiite

L’agresseur, aussitôt arrêté et placé en détention, s’appelle Hadi Matar, a 24 ans et vit dans l’État du New Jersey, selon la police.

Il a été « formellement poursuivi pour tentative de meurtre et agression », a annoncé le parquet local, précisant que des enquêteurs de la police fédérale (FBI) travaillaient sur ce crime à la dimension internationale.

Selon Ali Qassem Tahfa, le chef du village de Yaroun, dans le sud du Liban, Hadi Matar « est d’origine libanaise ». « Il est né et a grandi aux États-Unis. Sa mère et son père sont de Yaroun », a déclaré à l’AFP le chef du village.

Un examen préliminaire de ses réseaux sociaux par les forces de l’ordre a montré qu’il était favorable à l’extrémisme chiite et aux causes des gardiens de la révolution islamique d’Iran (IRGC), a rapporté NBC New York, citant un responsable anonyme des forces de l’ordre au fait de l’enquête sur l’attentat.

En Iran, samedi, le principal quotidien ultraconservateur Kayhan a félicité l’agresseur. « Bravo à cet homme courageux et conscient de son devoir qui a attaqué l’apostat et le vicieux Salman Rushdie », écrit le journal. « Baisons la main de celui qui a déchiré le cou de l’ennemi de Dieu avec un couteau ».

Au marché aux livres de Téhéran, tout le monde est au courant de l’attaque, mais seuls ceux la soutenant s’expriment : « J’étais très heureux d’apprendre la nouvelle. Quel que soit l’auteur (de l’attaque), je lui baise la main (…) Que Dieu maudisse Salman Rushdie », assure Mehrab Bigdeli, qui se présente comme un religieux chiite.
Fatwa

L’agression a eu lieu vendredi vers 11 h (15 h GMT) sur l’estrade de l’amphithéâtre du centre culturel de Chautauqua, lorsqu’un homme s’est « précipité sur la scène » et a « poignardé » Salman Rushdie plusieurs fois « au cou » et « à l’abdomen », selon la police de l’État de New York.

« Les nouvelles ne sont pas bonnes », avait déclaré vendredi soir au New York Times l’agent de Salman Rushdie, Andrew Wylie.

« Salman va probablement perdre un œil, les nerfs de son bras ont été sectionnés et il a été poignardé au niveau du foie », a-t-il détaillé en précisant que son client a été placé sous respirateur artificiel.

L’animateur de la conférence où Salman Rushdie devait s’exprimer, Ralph Henry Reese, 73 ans, a, lui, été « blessé légèrement au visage » mais est sorti de l’hôpital.

Carl LeVan, professeur de sciences politiques, était dans la salle, et a raconté au téléphone à l’AFP qu’un homme s’était jeté sur la scène où Salman Rushdie était assis pour le poignarder violemment à plusieurs reprises, « essayant de le tuer ».

Né en 1947 en Inde dans une famille d’intellectuels musulmans non pratiquants, Salman Rushdie avait embrasé une partie du monde islamique avec la publication des « Versets sataniques », conduisant l’ayatollah iranien Rouhollah Khomeiny à émettre en 1989 une fatwa demandant son assassinat.

L’auteur d’une quinzaine de romans, récits pour la jeunesse, nouvelles et essais écrits en anglais avait été contraint dès lors de vivre dans la clandestinité et sous protection policière, allant de cache en cache.
Condamnations

Naturalisé américain et vivant à New York depuis quelques années, Salman Rushdie avait repris une vie à peu près normale tout en continuant de défendre, dans ses livres, la satire et l’irrévérence.

Mais la « fatwa » n’a jamais été levée et beaucoup de traducteurs de son livre ont été blessés par des attaques, voire tués, comme le Japonais Hitoshi Igarashi, victime de plusieurs coups de poignard en 1991

Le président des États-Unis, Joe Biden, a condamné samedi l' »attaque brutale » contre l’écrivain. Dans un communiqué, Joe Biden a salué Salman Rushdie pour son refus « d’être intimidé ou réduit au silence » et se dit avec son épouse, Jill Biden, « ensemble avec tous les Américains et les peuples du monde entier prier pour sa santé et son rétablissement ».

« Son combat est le nôtre, universel », a quant à lui lancé sur Twitter le président français Emmanuel Macron assurant être « aujourd’hui, plus que jamais, à ses côtés ».

Depuis 33 ans, Salman Rushdie incarne la liberté et la lutte contre l’obscurantisme. La haine et la barbarie viennent de le frapper, lâchement. Son combat est le nôtre, universel. Nous sommes aujourd’hui, plus que jamais, à ses côtés.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) August 12, 2022

Le Premier ministre britannique Boris Johnson s’est de son côté dit « atterré que Sir Salman Rushdie ait été poignardé alors qu’il exerçait un droit que nous ne devrions jamais cesser de défendre », en allusion à la liberté d’expression.

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’est déclaré, via son porte-parole, « horrifié » par l’attaque.

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