Législatives anticipées 2024 : »Nous sommes les serviteurs de l’État, pas d’un gouvernement » ,Emmanuel Mercier FSU41 sur le droit de désobéissance des fonctionnaires
- Nawel THABET
- 28 juin 2024
- Centre Val de Loire, Interviews
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Dans une démarche inédite, des centaines de chefs d’établissements et inspecteurs pédagogiques de l’Éducation nationale ont signé une pétition pour affirmer qu’ils désobéiront à leur futur ministre s’il vient d’un gouvernement d’extrême droite du Rassemblement National, à l’issue des législatives des 30 juin et 7 juillet.
Ils refuseraient par exemple de vérifier l’identité française des élèves puisque l’école accueille tout le monde. Une prise de position inédite de la part d’agents qui sont censés appliquer les mesures prises par des gouvernements quels qu’ils soient.
Dans ce contexte des législatives anticipées de 2024, Emmanuel Mercier, co-secrétaire du syndicat FSU 41, apporte un éclairage crucial sur la pétition signée.Il nous explique si ces cadres ont juridiquement le droit de désobéir. Entretien.
Propos recueillis par Nawel Thabet / Medianawplus
Medianawplus : Au vu de la loi, des agents de la fonction publique ont-ils le droit de désobéir au gouvernement ?
Emmanuel Mercier : Oui, un agent de la fonction publique peut désobéir. En fait, nous les fonctionnaires, nous sommes liés par un statut de la fonction publique de l’État. Cela veut dire qu’on n’est pas des fonctionnaires d’un gouvernement.
Cette règle existe depuis longtemps, que ce soit pour des civils ou des militaires. Dans cette situation, ça veut dire que si demain l’extrême droite accède au pouvoir, nous resterons liés à un statut public de l’État et non pas à un gouvernement. Nous sommes les serviteurs de l’État, mais pas d’un gouvernement et donc aucune mesure qui contreviendrait aux valeurs de la République ne sera appliquée.
Généralement, les gens oublient que cette règle existe et c’est vraiment la base de l’article L121-10 du Code général de la fonction publique. Une exception qui prévoit qu’un fonctionnaire peut désobéir quand les consignes données sont illégales et de nature à compromettre gravement un intérêt public. C’est plutôt un réflexe républicain assez salutaire.
Medianawplus : Est-ce que votre propre syndicat FSU41 s’associe au message de ces cadres de l’éducation nationale ? Soutenez-vous cette prise de position ?
Emmanuel Mercier : Nous, nous ne sommes pas concernés. Ils ne sont pas adhérents chez nous. Par contre, on salue le message passé dans le cadre républicain. Nous, syndicalement parlant, on pourrait mener des actions contre une politique ou des lois proposées par une majorité d’extrême droite à l’Assemblée nationale et on pourra être durs avec un gouvernement d’extrême droite. Il y a tous types d’actions à envisager, mais ce qu’on privilégiera toujours est l’action collective. C’est-à-dire, on n’appellera jamais individuellement à mettre en défaut.
La force est dans le collectif. Il faudra toujours mener des actions en collectif et ce sera d’autant plus vrai contre un gouvernement d’extrême droite.
Medianawplus: Ce texte, en réalité, est-il une consigne de vote ou en tout cas un appel à ne pas voter RN, votre syndicat passe-t-il lui aussi une consigne de vote ?
Emmanuel Mercier : Nous, nous sommes une section départementale, mais oui nationalement, la FSU a appelé à prendre position un peu comme l’a fait la CGT.
Nous sommes dans une période historique. Nous avons appelé à voter pour les candidatures qui portent les couleurs du Nouveau Front populaire. Notre position fondamentale reste toujours celle de faire barrage à l’extrême droite par tous les moyens.
Donc, vous appelez non seulement à voter contre le RN, mais pour le Nouveau Front populaire, et c’est totalement nouveau ?
Emmanuel Mercier : Ça, c’est nouveau. Nous sommes dans une période historique. Nous sommes face à l’extrême droite, et là, on ne rigole plus. On appelle à voter pour les candidats qui portent le programme du Nouveau Front populaire.
Medianawplus: Donc ce que vous dites Emmanuel Mercier, si le RN arrivait au pouvoir, ce serait immédiatement une grande désorganisation et même une grande révolte dans l’éducation nationale vu les propositions chocs pour l’école ?
Emmanuel Mercier : Révolte, c’est un peu tôt pour le dire, on verra. De toute façon, ça a été confirmé lors du dévoilement du programme du Rassemblement National. C’est un programme d’une grande pauvreté intellectuelle.
On est dans la démagogie complotiste. Pour « rétablir l’autorité », le RN prévoit d’envoyer les élèves perturbateurs dans des centres spécialisés. On ne peut pas envoyer des gamins en prison. Il faut arrêter ce délire.
Le brevet deviendrait « un véritable examen de passage en seconde ». En CM2, « un examen national » déterminerait l’entrée en sixième. C’est complètement délirant. L’autre mesure délirante concerne aussi l’interdiction de certains emplois des administrations et des entreprises publiques aux binationaux. Quand on est Français, on est un citoyen à part entière. C’est un principe fondamental comme manger et respirer.
Mais nous, nous savons d’où viennent ces propositions. Elles viennent du député sortant du Loir-et-Cher de Romorantin, Roger Chudeau. Professeur agrégé, ancien proviseur, inspecteur d’académie, inspecteur général et conseiller ministériel de l’Éducation nationale de François Fillon à Matignon.
Aujourd’hui, il est le référent de Marine Le Pen pour l’éducation. C’est lui qui a aggravé la situation de l’Éducation nationale. Maintenant, on sait d’où vient le problème. C’est lui qui a mis en place des politiques qui aujourd’hui ont dégradé l’éducation nationale.
Cette année, rien qu’avec les propositions de Gabriel Attal, le « choc des savoirs », le RN veut aller plus loin que la proposition de Gabriel Attal, avec des mesures racistes. La seule entrée est de dire que les élèves étrangers ne sont pas assimilés. Ça démontre l’aspect raciste du Rassemblement National de Marine Le Pen.